Une étude publiée récemment – largement reprise dans les médias – confirme que le risque de cancer aurait tendance à concerner des personnes de plus en plus jeunes. Ces résultats, qui appellent notamment à mieux comprendre les causes de ce « glissement épidémiologique », sont aussi l’occasion de faire une incursion dans la mécanique complexe de ces études.
En France, moins de 0,6 % des cancers surviennent chez des personnes de moins de 18 ans, alors que deux cancers sur trois concernent des personnes de plus de 75 ans. Ce déséquilibre, même s’il est très net, ne dit que peu de choses sur l’origine des cancers : est-ce qu’il existe une relation de cause à effet directe entre le vieillissement des organismes et des cellules – le vieillissement biologique – et la survenue de cancers ? Est-ce que l’effet apparent de l’avancée en âge sur le risque de cancer s’explique par l’allongement de la durée pendant laquelle les organismes sont exposés à des agents cancérigènes ?
En l’occurrence, la compréhension que nous avons aujourd’hui des cancers montre que ces deux hypothèses sont justes. Reste à mieux les documenter pour comprendre leur poids respectif sur le risque de tel ou tel cancer ou dans telle ou telle population… Une étude publiée cet été dans la revue The Lancet Public Health contribue à éclairer ces questions, en analysant l’évolution du risque de cancer à travers les générations successives, nées entre 1920 et 1990.
C’était mieux avant
Plus précisément, les chercheurs et chercheuses américain·e·s ont décrit l’évolution du risque de 34 cancers (les plus fréquents) en fonction de l’année de naissance des personnes. Leurs résultats confirment une tendance qui avait déjà été évoquée par d’autres travaux : le risque de développer certains cancers est plus important pour une personne née dans les années 1990 que pour une personne née dans les années 1980, dont le risque était déjà plus élevé que celui des personnes nées dans les années 70, etc. Parmi les 34 cancers qui ont été pris en compte dans cette étude, huit ont ainsi vu leur taux d’incidence augmenter de façon systématique entre les générations des années 1920 et celles de la fin du vingtième siècle. Concrètement, en prenant l’exemple le plus marqué, leurs données montrent que le risque de développer un cancer de l’intestin grêle est trois fois plus élevé pour une personne née en 1990 que pour une autre qui est née en 1955, elle-même ayant un risque doublé par rapport à une troisième qui serait née en 1920.
Sur la même période, le taux d’incidence de neuf autres cancers commençait par baisser avant de remonter, là aussi parfois de façon spectaculaire. Une évolution en deux temps qui suggérait aux auteurs qu’elle puisse être liée à une exposition à des facteurs de risque touchant très spécifiquement les générations les plus jeunes. C’était le cas, par exemple, des cancers de l’endomètre, des cancers du sein hormono-sensibles, des cancers colorectaux.
Certaines tendances, mises en lumière par cette étude, s’interprètent de façon assez évidente : la hausse des cancers de la thyroïde, notamment, coïncide avec l’usage accru de test diagnostics entrainant un probable surdiagnostic, alors que la baisse de certains cancers dans les générations les plus récentes correspondrait à un recul du tabagisme …/…
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