Adrien Bartoli est Professeur en vision par ordinateur à l’Université Clermont Auvergne depuis 2009 et membre de l’Institut Universitaire de France depuis 2016. Il est mis à disposition du CHU de Clermont-Ferrand où il est responsable du département de recherche en IA et de SURGAR dont il est le Directeur scientifique.
SURGAR vient de lever 11 millions d’euros et d’être couronnée lauréate du concours i-Nov de Bpifrance. Pouvez-vous nous en dire plus sur la technologie développée par cette start-up pour les applications en cancérologie ? Que vont vous permettre de réaliser ces financements ?
La chirurgie mini-invasive, qu’elle soit robotisée ou non, a révolutionné la chirurgie, apportant des avantages majeurs pour le patient mais de vraies difficultés pour le chirurgien. Avec cette approche, le chirurgien utilise de petites incisions, introduit une caméra et opère en regardant un écran vidéo. Les limites principales de cette approche chirurgicale se situent dans la difficulté à localiser précisément certaines structures afin de pouvoir les épargner (comme le réseau vasculaire) ou de pouvoir les réséquer avec une marge oncologique satisfaisante (comme les lésions et tumeurs). SURGAR, que nous avons cofondée en 2019 avec les Professeurs Nicolas Bourdel, Michel Canis et Bertrand Le Roy, propose un outil permettant de visualiser toutes ces structures par réalité augmentée directement sur l’écran du chirurgien. Cet outil est composé d’une plateforme et d’un logiciel. Ce dernier exploite un jumeau numérique du patient, construit à partir de l’imagerie préopératoire de routine comme l’IRM ou le scanner, et le fusionne avec la vidéo chirurgicale en temps réel. Cette fusion permet de créer un effet de transparence virtuelle, révélant ainsi les structures internes des organes. SURGAR développe actuellement trois déclinaisons de cet outil. La déclinaison U-SURGAR, dédiée à la chirurgie de l’utérus, vient d’obtenir le marquage CE. Les déclinaisons dédiées au foie et au rein sont en cours de développement industriel avec un marquage CE prévu pour fin 2025 et 2026 respectivement. Ces nouveaux financements vont nous permettre de poursuivre ces développements, de continuer à améliorer la précision des outils, et d’assurer une compatibilité avec les caméras 3D, qui équipent notamment les robots chirurgicaux.
La collaboration de SURGAR avec le CHU de Clermont-Ferrand et l’équipe EnCoV de l’Institut Pascal (Université Clermont-Auvergne, CNRS, INP Clermont-Auvergne) a également été lauréate en 2020 du Programme Preuve de concept du CLARA. Que vous a permis d’accomplir ce soutien jusqu’à présent ? Que conseilleriez-vous aux candidats qui se posent la question de postuler au dispositif ?
Le programme PdC du CLARA a soutenu nos développements amonts sur plusieurs fronts. Il nous a permis d’améliorer la précision et la validation de nos dispositifs en vue de leur utilisation en chirurgie oncologique, notamment sur le foie et le rein. Le foie est un organe très souple, dont la conformation spatiale peut fortement changer entre l’imagerie préopératoire et la vue peropératoire. Ces changements rendent le problème de la fusion entre les deux modalités extrêmement difficiles. Or, la fusion est au cœur de la technologie inventée par les équipes universitaires et hospitalières Clermontoises et exploitée par SURGAR. Concrètement, le programme PdC nous a permis de trouver de meilleurs repères visuels, de les exploiter informatiquement dans notre méthode de fusion, et de valider les résultats sur plusieurs modèles. Le programme nous a aussi permis d’automatiser certaines étapes du processus de fusion, réduisant ainsi le temps de mise en place du dispositif au bloc opératoire, et de développer des outils génériques d’assistance à la chirurgie. Ces outils fonctionnent avec une IA spécialement entraînée, qui analyse la vidéo en temps réel pour repérer des événements perturbateurs comme le saignement ou la présence de fumée suite à l’utilisation de certaines pinces chirurgicales. En repérant et signalant ces événements, l’IA allège la charge mentale du chirurgien, lui permettant de rester concentré sur sa tâche principale. En parallèle, SURGAR a déposé plusieurs brevets avec ses partenaires, dont quatre ont été délivrés à ce jour, protégeant concrètement les aspects clefs de sa technologie. L’accompagnement bienveillant et dynamique par le CLARA au cours du projet a été une véritable plus-value. Je conseillerais aux candidats de préparer un programme scientifique ambitieux mais aussi raisonnable et équilibré entre la recherche et sa valorisation. Pour cela, il est essentiel de bien s’accorder sur les conditions du partenariat transcrites sur le contrat de consortium.
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