Le Dr Philippe CASSIER est oncologue médical, il a obtenu son diplôme de médecin spécialiste à la faculté de médecine de Lyon, avant d’être chef de clinique en oncologie médicale à l’hôpital Édouard Herriot (CHU de Lyon). Il a rejoint le Centre Léon Bérard pour y diriger l’unité d’essais de phase 1 en 2011 après une mobilité d’un an au sein de la Drug Development Unit au Royal Marsden Hospital à Londres (UK). Depuis il consacre l’essentiel de son temps au développement clinique de nouveaux médicaments tant dans le domaine de l’immunothérapie que des thérapies ciblées.
En tant que coordonnateur du centre labellisé d’essais cliniques de phases précoces du Centre Léon Bérard, comment gérez-vous ces dernières semaines l’accès aux patients atteints de cancer aux essais cliniques en cours, dans ce contexte de pandémie virale ?
La sécurité de nos patients a été au cœur de nos préoccupations et nous avons dans un premier temps réduit l’activité en essayant de privilégier l’inclusion des patients ayant les plus grandes chances de tirer un bénéfice important du traitement (thérapies ciblées chez des patients sélectionnés sur des critères moléculaires, essais d’immunothérapie chez les patients ayant des tumeurs MSI-H). Actuellement la situation semblant se stabiliser, sur le plan pandémique, nous rouvrons progressivement les essais aux inclusions, quand cela est possible du point de vue des promoteurs industriels.
Votre projet nommé IMMUNO-COVID20, vient d’être sélectionné dans le cadre d’une édition exceptionnelle spécial COVID-19 du Programme Hospitalier du Recherche Clinique Auvergne-Rhône-Alpes (PHRC-I AuRA) coordonné par le GIRCI AuRA. Pouvez-vous nous décrire l’essai et ses objectifs cliniques ?
Nous avons pensé cet essai afin de pouvoir proposer des traitements innovants à nos patients atteints de cancer, tout en le faisant de manière rigoureuse et sécurisée. En l’absence de traitement efficace, nous avons fait le choix d’un essai randomisé, avec un bras ne comprenant que des soins de support adapté (antibiothérapie, oxygénothérapie, etc…) et compte tenu de la grande hétérogénéité de présentation et de gravité des infections à SARS-CoV-2 nous avons opté pour un design avec deux groupes qui permettait de tester des hypothèses différentes :
- Pour le groupe des patients présentant une forme modérée, les patients sont randomisés entre un bras standard (soins de support optimaux) ; un bras de traitement per os avec le GNS561, qui est un analogue de l’hydroxychloroquine) ; et un bras de traitement par anti-PD-1 à faible dose car des études indiquent que, chez les patients évoluant vers une forme grave du COVID19, les lymphocytes circulants ont un phénotype épuisé (avec surexpression de PD1, CTLA4, etc…).
- Pour le groupe des patients présentant une forme sévère de pneumopathie à SARS-CoV-2, la randomisation se fait entre bras standard, un bras GNS561 et un bras tocilizumab qui permettrait de réduire l’inflammation excessive responsable de l’atteinte pulmonaire.
En tant que clinicien et chercheur, quelles sont selon vous les conséquences à long terme de la crise que nous vivons, notamment sur la recherche ?
En tant que clinicien ma conviction reste que le cancer est une pathologie globalement plus grave que le COVID19, parmi les patients que j’ai pu voir en hospitalisation avec une infection documentée ou suspectée à SARS-CoV-2, la pathologie cancéreuse sous-jacente et les infections bactériennes restent les premières causes de symptômes graves, y compris respiratoires. Il faut redoubler de sens clinique pour ne pas tout mettre sur le dos de l’infection à SARS-CoV-2 et ne pas méconnaitre les causes plus classiques de détresse physique chez nos patients. En tant que chercheur, j’ai été impressionné par la réactivité des autorités compétentes pour les autorisations d’essais cliniques. J’espère cependant que la mobilisation perdura au-delà des quelques mois aigus de l’épidémie.