Sylvain Besle est titulaire d’une chaire d’excellence de l’INCa en partenariat avec l’Université Lyon 1 (laboratoire P2S) et le département de Sciences Humaines et sociales du Centre Léon Bérard. Sociologue de formation, sa thèse réalisée à Paris Sorbonne porte sur le développement des essais de phase précoce en cancérologie. Suite à un post-doctorat au SESSTIM (Marseille) sur le développement des essais génomiques, il coordonne à Gustave Roussy un programme de recherche sur la sociologie des innovations en cancérologie (SINCRO) dans le cadre des programmes SIRIC.
Depuis 1 an, vous êtes titulaire de la chaire SHS INCa « Enjeux sociaux de la médecine personnalisée & des innovations en cancérologie« . Pouvez-vous nous présenter ce que sont ces enjeux, et la façon dont vous souhaitez y répondre ?
Ce travail de chaire part d’un double constat. D’une part l’accélération du développement de la médecine génomique en cancérologie avec le déploiement du Plan France Médecine Génomique 2025 et d’autre part le rôle croissant des essais cliniques dans la prise en charge des cancers les plus avancés. Il s’agit donc de comprendre comment le système de santé s’adapte à ces nouvelles pratiques de soin. Quatre principales thématiques sont étudiées. 1/ La création de parcours de soin dédiés à la médecine génomique facilitant l’accès à des essais cliniques. 2/ Le développement d’une Europe du soin qui vise notamment à améliorer la prise en charge des cancers rares, dont les cancers de l’enfant. 3/ Les transformations réglementaires liées à l’arrivée de nouveaux types de médicaments et à la remise en cause des essais randomisés. 4/ L’étude des inégalités sociales de santé en contexte de recherche.
Vous êtes lauréat de l’appel à projets Equipex. Ce type de financement pour des « équipements d’excellente » est rarement associé à la recherche en sciences humaines et sociales. À quoi vont servir ces financements, en quoi la recherche la recherche en SHS a-t-elle besoin d’équipements technologiques ?
La multiplication des données est une réalité qui touche tous les domaines scientifiques dont les sciences humaines et sociales. Il y a donc une nécessité de se doter d’infrastructures partagées (l’equipex WeShare est porté par Unicancer et coordonné par Ines Vaz-Luis) pour produire, agréger et analyser ces données. Les recherches en santé se caractérisent par la multiplicité de ces sources de données : données d’assurance maladie, données médicales, données de recherche, etc. WeShare qui n’a pas vocation à héberger des données, est une plateforme nationale de recherche qui vise à développer des outils pour faciliter le rapprochement entre de multiples sources de données. L’équipe lyonnaise de ce projet aura pour vocation de développer une infrastructure d’appariement de ces données de santé et d’enrichissement à partir de données de sciences humaines et sociales (qualité de vie, statu socio-économique, origine géographique, consommation de soin). Cet equipex sera donc un outil unique, mis à la disposition de la communauté de chercheurs intéressés par la mise en relation de ces différentes données.
WeShare est une plateforme de recherche nationale, dynamique, intégrée et centrée sur le patient, qui sera au service de tous les chercheurs et centres de cancérologie, en fournissant les outils technologiques permettant la promotion d’une recherche transformatrice sur le cancer qui intègre une forte composante de sciences sociales et humaines.
Revenons-en à la chaire SHS INCa. L’objectif de l’INCa et des partenaires qui se sont associés pour voir naître une telle chaire − le SIRIC LYriCAN, l’Université de Lyon, l’Université Lyon 1 et le CLARA − est d’impulser une nouvelle dynamique de recherche et de la pérenniser sur un territoire donné. Comment percevez-vous les enjeux de la mise en place d’une telle dynamique ? Quels enjeux et quelles opportunités vous semblent caractériser ce territoire ?
Tout d’abord, il faut noter le rôle moteur de la stratégie de l’INCa dans le développement et la structuration des recherches en sciences humaines et sociales intégrées au monde médical (SIRIC, chaire de recherche). Cette intégration est un atout inédit pour les chercheurs en sciences sociales pour accéder à des terrains d’enquête parfois difficiles mais également pour suivre au plus près un domaine d’activité en constante évolution. A ce titre nous avons mis en place la première Réunion de Concertation Pluridisciplinaire de Sciences Humaines et Sociales (RCP-SHS) – ouverte à tous – dont l’objectif est de faciliter le développement de projets de recherche communs entre des équipes médicales et des chercheurs en SHS.
A mes yeux, la réussite de cette structuration s’organise à trois niveaux. Le premier correspond à l’intégration de la dynamique impulsée par la chaire dans l’écosystème des universités lyonnaises et notamment des laboratoires de SHS existants. Le deuxième correspond à la valorisation de l’arc rhodanien comme lieu d’innovation en santé. A ce titre des rapprochements sont en cours avec des équipes de Grenoble et de Lausanne autour de la digitalisation en santé. Le troisième niveau vise à assurer la visibilité nationale et internationale de ces recherches en sciences humaines et sociales appliquées à la cancérologie. Pour cela, il s’agit de développer des projets d’envergure en se rapprochant des autres acteurs nationaux et européens de la lutte contre le cancer. L’equipex WeShare en est bel un exemple. Un projet inter-SIRIC SHS, initié par le programme de chaire, portant sur la médecine génomique est également en cours associant 4 SIRIC, 4 institutions de recherche et près de 20 chercheurs à l’échelle nationale.